Pourquoi sur certaines montres le chiffre 4 s'écrit IIII et pas IV ?

Vous avez certainement appris à écrire et à lire les chiffres romains, et il vous est arrivé plusieurs fois de voir dans une montre le chiffre 4 écrit IIII au lieu de IV. Peut-être avez-vous pensé à une erreur, mais vous l’avez remarqué sur la plupart des montres, surtout chez les marques les plus sollicitées et notamment les montres à gousset.

Rassurez-vous ! ce n’est pas une erreur, mais une caractéristique particulière des montres actuelles et il y a plusieurs raisons à cela.

C’est Juste après la période impériale que les chiffres romains s’écrivent comme vous le connaissez sans doute, c’est-à-dire IV au lieu de IIII, ou encore IX au lieu de VIIII. On les appelle alors les chiffres soustractifs, comme le I placé avant V pour faire IIII (IV=4), ou le I placé avant X pour faire VIIII (IX=9).

Cette règle est restée en application et a été retenu jusqu’à nos jours, sauf en horlogerie où les horlogers ont conservé le IX, mais ont choisi le IIII au lieu du IV.

Dans cet article, nous allons tenter de vous expliquer pourquoi la présence de ce chiffre IIII au lieu du IV, et toutes les raisons éventuelles (notez que certaines raisons sont vraiment basées sur des suppositions des penseurs) qui ont poussé les premiers horlogers à adopter une telle écriture.

Histoire et origine du chiffre IIII en horlogerie

Avant que le IIII ne soit adopté en horlogerie, il a été sujet à de nombreuses controverses entre les horlogers. Certains préféraient l’ancienne annotation, d’autres pas.

C’est pourquoi vous allez souvent voir certaines horloges modernes avec le IV ordinaire et classique, et d’autres avec le IIII plus rare. Sachez toutefois que ce dernier était la toute première façon d’écrire le chiffre 4 en chiffre romain comme vous pourrez le constatez en découvrant l'histoire et l'invention de la montre à gousset.

A. Un saut dans l'histoire des chiffres romains

Et si nous nous appuyons sur des faits historiques !

1. Le chiffre IIII en France

Il est connu aujourd’hui que le roi Louis 14 préférait que son nom soit écrit avec le IIII plutôt que le IV, c’est-à-dire Louis XIIII au lieu de Louis XIV, et que d’autres rois monarques de France et d’ailleurs aussi.

Ceux qui avaient le 4 dans leur nom optaient pour le IIII au lieu du IV soustractif pour des raisons qu’on ignore vraiment tous aujourd’hui, mais dont on a juste des vagues idées préconçues, et chacun y va de sa propre interprétation.

2. Le IV du dieu romain Jupiter

Jupiter qui était le dieu romain du ciel et du tonnerre s’écrivait IVPPITER (notez bien le IV au début). Selon la légende, les romains n’ont pas voulu fouler aux pieds le nom de leur dieu suprême en le blasphémant dans le cadran des montres avec le chiffre IV.

Ils ont donc opté plutôt pour le IIII classique, juste par respect pour leur divinité. Et comme Rome était la toute première puissance mondiale de l’époque, leur système de comptage a été retenu sur tout l’ensemble de la planète.

B. Les origines du chiffre IIII

Le IIII était la toute première façon d’écrire 4 en chiffre romain. Aujourd’hui abandonné, il reste très utilisé dans le monde de l’horlogerie par contre et a pris le nom de « 4 horloger ». On retrouve cette annotation sur les horloges comtoises et les montres à gousset principalement. Le monde de l’horlogerie, voulant rester originel, a préféré garder cette façon scripturale d’écrire le 4 et revendique de rester très conservateur.

Ce IIII rappelant les 4 doigts d’une main, car on comptait avec les doigts à l’origine des chiffres. Un feed back sur les origines du chiffre romain nous montre que les romains avaient retenu les symboles suivant pour compter et pour leur commerce :

• Le I comme le doigt pour désigner l’unité, donc I, II, III, et IIII
• Le V pour désigner les cinq doigts d’une main
• Le X pour désigner les deux mains, soit la dizaine (10 doigts)

De base, ce sont les trois caractères qui furent retenus pour le comptage des nombres. Et progressivement furent ajoutés L pour 50, C pour 100 et M pour mille, etc.

Ce n’est que dans la période du 15^e siècle qu’apparut la méthode de soustraction des chiffres romains, de sorte que le I avant V donne 4, le I avant X donne 9, le X avant C donne 90, etc., avec des règles bien précises.

Par exemple on ne peut pas écrire deux fois de suite un même caractère devant un nombre pour le soustraire, donc on ne peut pas écrire IIV pour faire 3 ou alors IIX pour faire 8, ou encore XXC pour faire 80.

Alors pourquoi le IIII et non le IV en horlogerie ?

Les raisons d’écriture du IIII dans le cadran des horloges sont aussi nombreuses que diverses. Nous allons nous étendre davantage sur les raisons qui nous semblent tout du moins probable, après chacun sera libre de privilégier l’une d’elles selon ses convictions.

A. Le IIII réservé aux montres anciennes ?

Certaines personnes pensent que le IIII des horloges plus anciennes est resté parce que ces garde-temps ont existé avant que les romains ne changent leur façon d’écrire les chiffres par soustraction. 

En fait, on pense que ce sont les montres mécaniques qui ont existé bien avant la période médiévale qui ont cette inscription. Les Horlogers qui ne se sont pas mis à jour lors de la fabrication des prochaines montres après le 15^e siècle, auraient continué à écrire le IIII au lieu de s’adapter à la nouvelle norme qui était désormais le IV. 

B. Le chiffre IIII serait plus pratique

Le IIII permet de diviser le cadran des montres en trois grands groupes pour rendre la lecture de l’heure plus facile et plus rapide.

• Le groupe des I : I, II, III, et IIII
• Le groupe des V : V, VI, VII et VIII
• Le groupe des X : IX, X, XI et XII

De ce fait il n’y a pas de risques de confondre le chiffre IV avec le VI, puisque tous les deux ont un I et un V. Cela évite donc à une personne avec des problèmes de vue de se tromper sur l’heure qu’il est.

C. Le chiffre IIII est plus esthétique

Pour garder et maintenir un style visuel esthétique dans le cadran des montres, les horlogers ont préféré maintenir le IIII traditionnel. Étant plus proche du VIII en termes scripturales qui lui est symétriquement opposé, l’harmonie des chiffres est conservée.

Lorsque vous observez la position des chiffres du cadran d’une montre à gousset mécanique, vous constatez qu’ils s’opposent les uns aux autres. Pour obtenir un parfait équilibre, le chiffre 4 doit s’écrire IIII (dit « lourd ») et non pas IV (dit « léger »). C’est l’une des raisons pour lesquelles l’écriture IIII a été maintenu au lieu du IV.

D. Le chiffre IIII et l'équilibre visuel du cadran

Divisez le cadran de votre horloge de poche en 2 parties identiques par une ligne verticale qui passe par le XII (12) et le VI (6), et compter le nombre de caractères de part et d’autre de chaque côté du cadran.

Si votre montre de poche possède le chiffre 4 écrit IIII, vous remarquerez qu’il y a exactement 14 caractères de chaque côté créant ainsi un équilibre parfait du cadran de la montre. Avec le chiffre 4 écrit IV, cet équilibre visuel n’est plus.

Cette raison est la principale des raisons pour lesquelles on a choisi d’adopter le IIII au lieu du IV, la symétrie parfaite jouant un rôle très important dans le domaine de l’horlogerie.

E. Le chiffre IIII pour des raisons chrétiennes

On pense que le fait d’écrire le IIII ainsi permet de diviser le temps en trois parties égales qui rappellent la trinité.

• La première partie du temps : celle des I étant liée au Père
• La deuxième partie : celle des V étant liée au Fils
• La troisième partie : celle des X étant liée au Saint-Esprit

De nombreuses théories appuient cette hypothèse chrétienne, la religion chrétienne étant devenue officielle depuis les années 400 après JC, et avait une forte influence auprès des populations. La division du temps en ces 3 groupes qui permet une division équitable du Cadran n’est possible qu’avec le chiffre 4 écrit IIII.

F. Diviser le temps de travail avec le chiffre IIII

Certains auteurs à l’instar de John Witt par exemple, pensent que cette notation de l’horloge n’est pas le fait du hasard. Le temps de travail devait être partagé en trois parties égales sur le cadran des montres.

En retenant le IV moderne, le groupe des I devait travailler pendant trois heures, le groupe des V devait travailler pendant cinq heures, et le groupe des X devait travailler pendant quatre heures, le temps de travail était alors inégalement réparti. Alors qu’en adoptant le IIII, chaque groupe travaillait équitablement pendant quatre heures.

G. Le chiffre IIII pour toutes les classes de la population

Afin de permettre à n’importe quel citoyen de pouvoir lire l’heure sur une montre à gousset, il était utile de maintenir le IIII antique. Tout le monde pouvait reconnaître qu’il s’agit là du chiffre 4 et personne ne pouvait se tromper. Cela permettait aussi aux citoyens non éduqués de ne pas avoir du mal à lire une montre, car on pensait que seul les gens éduqués pourraient savoir qu’il faut soustraire I de V pour faire 4.

C’est ainsi les principales raisons pour lesquelles vous constaterez sur beaucoup de nos montres à gousset femme ou homme que le chiffre 4 s’est écrit IIII plutôt que le IV. Ce n’est donc pas une erreur, mais une nomenclature bien particulière dans le monde de l’horlogerie, et tout horloger professionnel connaît très bien l’histoire cachée derrière cette particularité.

Ne soyez donc plus surpris par cette dernière et retenez la raison qui vous convient d’adopter qu’elle soit de sens philosophique, religieux, esthétique ou pratique.

Vous pourrez alors surprendre votre entourage en lui expliquant les raisons fondamentales pour lesquelles le 4 des montres à gousset et des autres montres classique à cadran mécanique, s’écrit plutôt IIII au lieu du IV ordinaire que tout le monde connaît.

Trouver des montres avec le chiffre IV ou IIII sur leur cadran n’est cependant pas un critère de qualité de fabrication de l’horloger. Les marques de montres affichant le IV sur leur garde temps exprime simplement le fait qu’ils n’adhèrent pas à cette tradition.